• Projet

    Déplacer l’horizon

  • Client

    Cnap / Cité internationale de la langue française

  • Catégories

    Experimentations / Hors commerce

  • Année

    2025

  • Support

    Affiche / Édition

  • Dimensions

    Multiples

  • Façonnage

    Impression en sérigraphie. Quatre couleurs.

  • Conception graphique

    Doriane Baubiat & Clémence Michon

  • Remarques

    Si je décide de répondre à l’appel à projet «Messages/Images» (initié par le Cnap et la Cité internationale de langue Française), c’est car j’y trouve un prétexte pour travailler avec Doriane Baubiat avec qui j’apprécie échanger. Nous nous sentons toutes deux concernées par les questions de société. Nous répondons à l’appel en proposant l’idée d’une «affiche à lire» tout en allant à la rencontre de l’autre.
    Nous avons la chance et la surprise d’être sélectionnées. S’entame alors des semaines fournies d‘échanges : des images, des lectures, des citations, des appels, des rencontres, des collectes. Assez vite, Doriane propose de travailler sur les cahiers de doléances, consignés partout en France dans les archives départementales. Le documentaire d’Hélène Desplanques sur ce sujet nous en convainc.
    De mon côté je propose de partir de ma collection de cartes postales et des paysages du territoire Français. On compose, on décompose, on doute et on avance ensemble. La profusion d’écrits reflète un état du monde. Nous y cherchons les «je» et les «nous», nous y lisons des déceptions, des attentes petites et grandes. L’image du paysage de bord de mer s’impose comme un trompe l’œil, un mirage.
    Les délais de la commande nous pressent et notre première affiche est refusée par le commanditaire. Nous proposons alors une nouvelle composition minutieuse avec un message réduit et une gamme colorée plus douce. Nous imaginons en parallèle une édition ou le texte existe dans son intégralité. Imprimée en risographie, nous façonnons à la main 300 exemplaires. Placées dans une urne trafiquée, il faut s'en saisir et découper les pages pour voir apparaitre le texte. Elles ont été distribuées lors du festival de Chaumont et du festival des Doléances.
    .
    Quelle aventure, quelle rencontre, que de souvenirs, quel chemin parcouru... !
    .
    «Alors des mots pour accompagner les images? L’inverse? Peu importe. Comme les souvenirs, ils arrivaient bras dessus, bras dessous et de toute façon, ensemble.»
    Robert Bobert
    .
    Merci à Lézard Graphique pour son savoir faire et la gentillesse de toute l’équipe, au caractère modulaire Resum dessiné par Benoît Bodhuin de s’être adapté aux mots et à Sylvain Lamy pour son écoute tout au long des mois.
    .
    L’exposition collective circule dans toute la France, allez la visiter!
    .
    .
    .
    .
    .
    Nous avons aussi eu la chance que Vanina Pinter écrive un magnifique texte.

    Si nous reconsidérions les affiches non comme des machines à slogans ou des vitrines à fantasmes, mais des interfaces de rencontres? Méfiez-vous de l’apparence inoffensive de cette affiche, elle a une volonté subversive. Suite à une démarche originale, Clémence Michon, graphiste convie Doriane Baubiat, écrivaine, à penser avec elle le message de cette image. Avec cette première collaboration, elles souhaitaient révéler la parole d’autres, de ceux dont on lit peu la pensée dans l’espace public.
    Elles voulaient initier des espaces de rencontres.
    En plein mouvement des gilets jaunes, le président de la République Emmanuel Macron initie la récolte des doléances des Français. Dans sa mairie, chacun peut venir écrire son ressenti, ses idées, des desiderata. Près de 20000 cahiers ont été remplis.
    Ces doléances, comme l’explique en 2023 le documentaire d’Hélène Desplanques, n’ont pas été rendues accessibles à tous. Les règles d’accès aux cahiers étaient différentes en fonction des départements et des archives. Mais une récente résolution
    de l’Assemblée Nationale datant de mars 2025 demande à l’État la numérisation de chaque document, leur anonymisation et leur publicisation.
    Clémence Michon et Doriane Baubiat sont parties à la recherche de ces cahiers, elles ont collecté et consigné des phrases. Au fil des citations prélevées, elles ont commencé par tisser un récit mêlant et révélant l’extrême variété des requêtes, des colères, la difficulté de faire société. Elles ont cherché à articuler le collectif et l’individuel. Comment faire parler différentes voix et créer du nous, malgré les différents «je»? Au final, elles ont opté pour une liste d’actions possibles, sages ou insolites, qu’elles ont disposées dans un cadre textuel, comme si la parole des gens structurait et entourait la composition. Le paysage est également, un et multiple, réel et improbable. Il part d’un territoire, une carte postale touristique, mais la vue est répétée et génère un horizon apaisé et virtuel.
    Ce travail — à l’instar de l’étude des cahiers de doléances — demanderait à être poursuivi. D’autres commandes pourraient mettre en relief les raisons de la colère, les idées pour une vie commune. Rappelons que durant la Révolution française, des placards typographiques permettaient d’informer, de faire circuler la parole, activaient des lectures publiques. L’affiche peut aussi être un journal mural, une feuille typographiquement agencée, consignant opinions et verbatims, créant des espaces d’altérité. Elle devrait être au quotidien un outil d’affirmation de la démocratie dans et malgré l’urgence politique. Une affiche, qui soit une interface citoyenne, n’est-ce pas ce dont nous rêvons tous?